Le jour d’après

3e dimanche de Pâques A

Emmaüs

Confinés depuis quarante jours, en proie aux angoisses et incertitudes suscitées par l’épidémie de Covid-19, nous essayons d’imaginer le jour d’après. Exercice difficile et périlleux tant l’avenir reste un mystère : un fossé nous sépare d’hier, un abîme de demain.

Cléophas et son compagnon qui descendaient la route de Jérusalem à Emmaüs vivaient confiants dans l’avenir. Ils connaissaient Jésus, ce prophète « puissant par ses actes et par sa parole ». Ils avaient confiance en lui. Ils espéraient que le Maître de Nazareth les délivrerait de l’occupation romaine. Et puis surgit la Croix ! Le monde projeté par leur imaginaire égocentré s’écroule : adieu puissance, honneur et gloire. Ne restent que désillusion, échec, violence, persécutions et mort.

L’aspiration à la puissance est profondément enracinée dans le cœur de l’homme. Au cours d’une apparition du Ressuscité à ses apôtres, ceux-ci lui diront encore : « Est-ce maintenant que tu vas instaurer ton règne ? », entendez « Est-ce maintenant que nous allons assujettir ceux qui nous ont humiliés et persécutés ? » La quête du royaume de Dieu ne sert que trop souvent de paravent à une convoitise mondaine et trop humaine.

L’épidémie a stoppé net l’économie de la surconsommation. Le confinement contrecarre nos projets familiaux et professionnels. La maladie, la mort, l’isolement, le manque d’activité pèsent sur le moral. La peine et l’angoisse favorisent le repliement sur soi. Nous ne devons pas y céder, ni nous laisser écraser par la tournure que prennent les événements. Au contraire, relevons la tête pour détecter en nous et autour de nous la présence aimante et bienveillante du Christ ressuscité.

Le compagnonnage d’Emmaüs nous rappelle que le Ressuscité est avec nous, à tout instant, jusqu’à la fin des temps. Le chemin de joie et de relèvement qu’il nous propose passe nécessairement par une relecture dans la foi des événements qui nous touchent. Le relèvement que chacun est en droit d’attendre n’est pas d’abord d’ordre politique et social, mais d’ordre spirituel. C’est ce que Jésus veut faire saisir à ses disciples. Si le cœur de l’homme change, s’il se tourne vers Dieu, s’il se convertit, l’ordre social et politique en sera "mécaniquement" profondément modifié. Mais si notre humanité persévère dans son refus de Dieu, il est logique et inévitable que le mensonge, l’injustice, la violence, la mort continuent de proliférer.

Vouloir envisager le jour d’après sans consentir à une profonde conversion du cœur, c’est se condamner à des lendemains qui déchantent. Nous ne pouvons pas servir deux maîtres. Nos sociétés, nos pays, nos nations doivent choisir : ou le seul vrai Dieu (c’est-à-dire en même temps le pauvre, le petit, le faible, l’opprimé, le méprisé) ou l’argent. Il n’y a pas d’entre deux. Ce qui est vrai pour le corps social l’est aussi pour chacun de nous à titre personnel.

Chrétiens, nous n’avons qu’un seul Seigneur, qu’un seul Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ. Enfants d’un même Père, nous savons que nous résidons « ici-bas en étrangers », en gens de passage attendant de rejoindre leur patrie céleste. Notre espérance, nous ne la mettons pas dans les hommes, mais dans le Seigneur. Nous faisons nôtres les paroles du Psalmiste : « Tu es mon Dieu ! Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort… Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices ! » Nous sommes dans le monde, sans être du monde. Voilà notre foi et notre mission.

Textes du jour :
Ac 2, 14.22b-33
Ps 15 (16), 1-2a.5, 7-8, 9-10, 11
1 P 1, 17-21
Lc 24, 13-35

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